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National Association of Women Artists (NAWA) 133rd Annual Members Exhibition

National Association of Women Artists (NAWA) 133rd Annual Members Exhibition

National Association of Women Artists (NAWA) 133rd Annual Members Exhibition

Pétrie dans l’argile du temps et de l’espace, j’avance avec le sentiment qu’un épais rideau tombe sur l’empreinte de mes pas. La pensée ne peut échapper à une contradiction fondamentale.  Si le mot est illusoire, la pensée, quant à elle, persiste à vouloir comprendre. Le mot est, pour elle, un outil pratique pour apprendre et retenir les leçons qui lui ont été enseignées, un véhicule dans lequel elle chemine. Il reste des connaissances à découvrir, que l’esprit rationnel et la disposition naturelle au verbe incitent à vouloir expliquer, définir, analyser et démontrer. Mais il faut reconnaître aussi l’existence de l’indicible. 

L’art pariétal est une des premières évidences du travail des artistes-chercheurs, les premiers balbutiements d’une quête collective dans le but d’exprimer l’inexprimable. C’est dans leurs œuvres que les peuples ont déposé leurs pensées les plus intimes et leurs plus riches intuitions. L’art, écrit Hegel, en vertu de sa nature, n’a pas d’autre destination que celle de manifester, sous une forme sensible et adéquate, l’idée qui constitue le fond des choses.

Comme le remarquait Giacometti, il s’agit pour l’artiste-chercheur tout d’abord de copier pour mieux voir, comme si chaque copie ajoutait une pierre aux fondations de son propre édifice — de la tour de Babel aux statues de Gandhara — pour mieux s’imprégner du regard d’autrui avant de pouvoir mesurer la profondeur de sa propre vision de l’Univers. L’artiste-chercheur qui parvient à chasser les doutes de son esprit et à renforcer sa confiance, porte en lui les manières de voir et de penser qui l’ont précédé afin de l’aider à se confronter au mystère de sa propre existence et à en rendre ainsi compte à travers ses oeuvres. 

L’opposition dont parlent Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux entre le calque et la carte me fait songer que ce que j’entends, moi,  par calque est esquisse, croquis, reproduction sommaire que l’on intègre en soi en une série d’instantanés. Une copie n’est pas dérisoire. Elle se décline au pluriel. La danse des lignes et traits est singulière à chaque artiste. Elle s’imprègne de ses émotions. Si la recherche en art passe par l’imitation et l’adaptation, la carte est son mode d’emploi et les calques de mots, de formes, de postures sont des repères. 

Par des traits et lignes imaginaires se formule le credo de l’artiste-chercheur. L’inconscient, encore et toujours,  est aux commandes de l’art. L’artiste rentre à l’intérieur de son inconscient comme on traverse un océan pour en sonder l’horizon sans jamais en toucher le fond. La recherche se poursuit au fil des siècles avec l’effet vaporeux de la technique picturale sfumato et la technique du glacis. Les produits de l’art représentent la lumière au bout du tunnel, la clairière illuminée dans une forêt de ronces.

La recherche dans la dimension artistique avait démarré pour moi par une histoire de fils de fer, d’assemblage mixte, d’imitations de symboles et signes géométriques à l’encre de Chine, de gravures pariétales, de pétroglyphes, de masques africains et d’artefacts des sites néolithiques. Elle  s’est fixée depuis sur la pierre.  Aujourd’hui, je me demande au bout du compte si l’écriture ossécaille et autres pictogrammes n’étaient pas, eux aussi, dans mon propre regard et dans celui de leurs auteurs, des représentations sculpturales unidimensionnelles.

Le besoin de créer n’est pas accidentel. Il est une force irrépressible qui tantôt s’éteint, tantôt se réveille après de longs silences. Il se nourrit d’un questionnement existentiel et se répercute dans les autres domaines de la vie de l'artiste. “Tout dans l'inconscient cherche à se manifester vers l’extérieur,” écrit C.G.Jung, “et la personnalité elle aussi désire évoluer hors de sa condition inconsciente et se révéler toute entière”.  Faut-il en déduire que nous nous leurrons à croire que l’influence vient de l’extérieur en empruntant le chemin inverse?  L’inconscient collectif est à la source de l’inspiration, de l’émergence de ce qui nous habite.

Richard Zanchetti dit que le créateur — qu’il soit poète, scientifique ou écrivain — joue gros. L’illusion est partout qui le guette et les nuages du narcissisme peuvent à jamais l'égarer, mais a-t-il vraiment le choix ? La pulsion qui le pousse ne connaît pas de répit, ne pas l'extérioriser, ne pas l'utiliser pour des buts élevés, c'est donner libre champ à toutes les déviances ou s'enfermer dans les affres du refoulement. D'ailleurs, il voudrait échapper à son sort qu'il ne le pourrait car celui qui a l'audace de s'engager sur les chemins de la création ne peut plus retourner en arrière…  Avec le temps, par le geste répété et gratuit, il apprend à affiner sa sensibilité et à laisser parler sa nature profonde. Comme il s'est nourri de l'image de l'autre, la nature, la forme extérieure, jusqu'à la parfaite imitation, jusqu'à la parfaite identification, il peut maintenant projeter à l'extérieur ce qui lui tient vraiment à cœur. Chaque œuvre révèle un aspect de lui-même et traduit la qualité de sa relation avec l’Univers… il reste insatisfait car tout est à reconnaître, à reconquérir, mais, désormais, pour avoir trempé sa conscience dans le feu de l'expérience, en toute humilité, il accepte et comprend cet état d'insatisfaction comme le moteur de ses aspirations… l'approche de son art se confond avec l'approche de son être.